Pseudo-polyarthrite Rhizomelique

Modifié le : 07/09/2017

Expert : Jean Marie Le Parc
Rédacteur : Bernard Verlhac

A - La PPR : quelle est cette maladie ?

PPR : qu’est ce que c’est ?

  1. Des douleurs avec raideur touchant une personne âgée de 60 ans et plus au niveau de
    • la ceinture scapulaire de manière quasi constante : les épaules et le cou
    • la ceinture pelvienne dans trois quarts des cas : autour des hanches et le bas du dos
  2. Des manifestations articulaires des mains, poignets, genoux peuvent s’associer dans environ 50% des cas : douleurs et gonflements articulaires
  3. Une atteinte de l’état général dans 1/3 des cas : fièvre, fatigue, amaigrissement.

Quelle est sa fréquence ?

Relativement fréquente:

  • 0,1 à 0,5% de la population de plus de 50 ans en Amérique du nord (prévalence)
  • jusqu’à 2% au delà de 60 ans au Royaume Uni
  • voire plus, l’incidence semblant augmenter
    • Incidence annuelle 20 à 65/100 000 à 50 ans
    • Jusqu’à 400/100 000 chez les plus de 65 ans

La maladie est plus fréquente chez la femme que chez l’homme, la différence s’atténuant chez les sujets les plus âgés

Depuis combien de temps connait-on cette maladie ?

  • Elle a été décrite sous ce terme en 1953 en France par Jacques Forestier
  • En 1957, Barber décrit la même affection: polymyalgia rheumatica (PMR).

Est ce grave ?

En dehors du risque de laisser évoluer une maladie « qui fatigue beaucoup » -ce qui n’est pas anodin chez les sujets très âgés fragiles (risque d’alitement et ses complications), ce sont les  formes associées qui sont graves :

  1. La maladie de Horton (MH), avec ses risques d’occlusion artérielles en particulier au niveau des artères de l’œil (risque de cécité) et qui pose le problème de la nécessité de mettre le malade rapidement à une dose plus importante de traitement A évoquer devant :
    • des Céphalées : Ce sont des maux de tête d’apparition récente chez un sujet de plus de 60 ans. Elles sont typiquement situées au niveau des tempes souvent permanentes et parfois violentes, mais ailleurs ce n’est que de simples lourdeurs plutôt que de véritables douleurs. On note une augmentation de son intensité lors du contact de la région temporale ou du cuir chevelu (quand on se peigne par exemple) ce qui  est évocateur. L’examinateur peut retrouver à la palpation une artère temporale  saillante, rigide, non battante et donc douloureuse, mais ailleurs l’examen clinique est quasi normal. La biopsie de l’artère temporale confirmera le diagnostic ensuite (artérite giganto-cellulaire).
    • une claudication (blocages) de la mâchoire à la mastication,
    • des signes oculaires : en particulier vue dédoublée (diplopie),
    • des paresthésies (brûlures, picotements…) de  langue et du cuir chevelu (en se peignant)
    • dans une population de PPR, 16% à 21% ont une biopsie de l’artère temporale positive
    • par contre parmi les MH, des symptômes de PPR sont observés dans 40 à 60% des cas.
    • La biopsie de l’artère temporale qui est l’examen de référence pour la maladie de Horton  n’est plus effectuée systématiquement  dans la PPR (elle n’est faite que s’il existe des signes clinique de MH sus cités)
  2. Les cancers. Il ne semble pas exister une incidence augmentée de cancers dans une population de PPR (bilan à la recherche « d’un primitif » justifié qu’en présence de signe d’orientation) Néanmoins une radio thoracique et une échographie abdominale, voire abdomino pelvienne peuvent être demandés presque systématiquement

B- Comment se manifeste la Pseudo Polyarthrite Rhizomélique (PPR) ?

  • Quels sont les premiers signes ? Vont apparaitre progressivement et persister de plus en plus chez une personne de 60 ans et plus :
    1. Des douleurs des épaules (parfois qu’une seule au début) et le cou de manière quasi constante
    2. Des douleurs des deux hanches jusqu’à mi cuisse et des lombes dans ¾ des cas
    3. Une fatigue,  un manque d’appétit avec amaigrissement, un mauvais moral
    4. Parfois une fièvre
  • La prédominance féminine  s'atténue avec l'avancée en âge
  • Facteurs déclenchants la maladie :
    1. Des variations saisonnières  dans l’incidence de début de PPR ont été retrouvées. - les symptômes de la PPR étaient significativement augmentés durant l’hiver.
      • Il existe une  variation annuelle de PPR, avec un pic en janvier et un nadir entre juin et juillet Ces variations ont fait évoquer une étiologie infectieuse, sans agent pathogène retenu avec certitude.
    2. Il existe un gradient Nord Sud : faisant évoquer un facteur génétique associé au facteur infectieux.
      • en Norvège l’incidence est de 11,2 cas/10000 habitants
      • versus 1,9 / 10000 en Espagne
    3. Une sécrétion inappropriée du cortisol sérique (hormone des glandes surrénales) a été évoquée Le vieillissement semble être la condition pour prédisposer à l'hypo réactivité observée de l’axe hypothalamo hypophyso surrénalien (structures cérébrales contrôlant les glandes surrénales)
  • Quels sont les articulations touchées ?
    1. Pour l’atteinte des épaules et des hanches , l’étude en échographie et par  IRM met en évidence une atteinte des structures extra articulaires notamment des bursites (inflammation de coussinets  permettant le glissement de certains muscles entre eux) bilatérales
    2. Les douleurs cervicales et lombaires pourraient correspondre à des bursites inter épineuses (entre les apophyses épineuses des vertèbres)
    3. Des  arthrites (inflammation articulaires) asymétriques (genoux et poignets), peuvent s’associer dans  environ 50% des cas  dont un syndrome du canal carpien et un gonflement distal des membres avec œdème

C- Comment va évoluer ma PPR ?

  • Le traitement induit la rémission en une période moyenne d’1 semaine chez presque 80% des patients.
  • La sévérité de la maladie n'est pas un facteur prédictif de résistance au traitement.
  • Après 3 à 4semaines, on baisse très progressivement le traitement afin de réduire au maximum les rechutes à court terme, et celui-ci va durer de 1 à 3 ans
  • En cas de réponse insuffisante au traitement on recherchera une complication de la maladie (dont signes de maladie de Horton- Cf. supra) et des corticoïdes et des atypies évocatrice d’un autre diagnostic.

D- Comment fait le médecin pour poser le diagnostic de PPR ?

  • La PPR est un syndrome clinique caractérisé chez un sujet de plus de 50ans (surtout 60) par l’association d’une douleur  matinale persistante, avec raideur pénible du cou, des épaules et de la ceinture pelvienne avec des examens biologiques sanguins d’inflammation :VS et C Réactive Protéine (CRP) augmentées.
  • Néanmoins cette association de symptômes peut correspondre à différentes affections et il est essentiel d’éliminer le diagnostic de celles-ci par des examens biologiques voire d’imagerie complémentaires :
    1. Les  manifestations musculo-squelettiques, peuvent mimer la présentation clinique de la PPR :
      • La Polyarthrite rhumatoïde (PR) du sujet âgé la PR peut avoir un début  rhizomélique chez le sujet âgé, en particulier aux épaules dans environ 25% des cas voire jusqu’à plus de 50%. Le gonflement nettement symétrique des articulations périphériques (mains), l’apparition des érosions articulaires  radiologiques, la présence d’anti corps anti citrulline (anti CCP) sont en faveur de la PR.
      • Les Spondylarthropathies à début tardif où les douleurs cervicales sont souvent présentes. La corticothérapie est aussi le traitement  de ces formes mais d’action moins nette que dans la PPR, les antécédents familiaux, le typage HLA B 27 peuvent aider au diagnostic
      • Les  symptômes proximaux des Polymyosites (PM) et dermatomyosites : la prédominance proximale de la faiblesse musculaire lors des mouvements, comme la douleur et l’augmentation des enzymes musculaires différencient PM et PPR.
      • La Fibromyalgie se différencie par la présence de points douloureux précis (référencés) et l’absence d’inflammation biologique..
      • L’endocardite bactérienne, les cancers (rein, ovaire, estomac, poumon), les hémopathies (myélome) peuvent mimer aussi une PPR. Mais l’absence de réponse aux corticoïdes et la présence d’atypie clinique doivent faire entreprendre d’autres investigations. Par contre s’il existe des signes typiques , la recherche d’un cancer occulte ou d’une infection n’est pas conseillée de manière systématique…en dehors d’une radiographie pulmonaire qui est souvent « conseillé ».
      • La Maladie de Parkinson où la raideur est rarement isolée.
      • La maladie Dépressive où la fatigue parfois associée à une manque d’appétit et l’ altération de l’état général (amaigrissement) peut faire évoquer une PPR. Mais là absence de signes inflammatoires sanguins.''
    2. Les formes associées sont fréquentes chez le sujet âgé.
      • La maladie de Horton (MH), pose le problème de la nécessité de dose plus importante de corticoïdes Les rapports avec la  maladie de Horton sont jugés différemment selon les études. Ainsi dans une population de PPR, 16% à  21% auraient une biopsie de l’artère temporale positive, par contre parmi les MH, des symptômes de PPR seraient observés dans 40 à 60% des cas. La biopsie de l’artère temporale (BAT) n’est plus effectuée systématiquement comme auparavant, mais qu’en présence  de signes cliniques évocateurs de maladie de Horton (céphalées (maux de tête) temporales récentes, claudication de la mâchoire, hyperesthésie (sensibilité excessive)du cuir chevelu, troubles visuels, disparition des pouls temporaux) Une BAT serait également à proposer en cas d’absence de réponse à une corticothérapie à faible dose usuelle  (0,2 à 0,3 mg/Kg) voire chez ceux dont le syndrome inflammatoire se majore malgré ce traitement .
      • La PPR et  les « périarthrites » des ceintures scapulaire et pelvienne. Au niveau de l’épaule, il s’agit plus de l’atteinte secondaire au conflit sous acromial que la capsulite où l’ensemble des mouvements est touché avec une histoire clinique évocatrice. C’est en fait la situation la plus fréquente et réalisant parfois un diagnostic différentiel difficile, la VS chez un sujet âgé étant souvent augmentée (tiers de l’âge voire plus dit on) du fait de la polypathologie (lithiase biliaire sans dilatation des voies biliaires extra hépatiques, cystite chronique, foyer dentaire …) Le fait d’améliorer par une seule infiltration  plusieurs localisations douloureuses est en faveur de la PPR prédominante.
      • La Chondrocalcinose articulaire (pseudo goutte, liée à des dépôts de cristaux de pyrophosphate de calcium). Elle peut se présenter sous le masque d’une PPR. Néanmoins les liserés calciques radiologiques sont fréquents chez le sujet âgé (30% à 80 ans) et l’association doit donc être évoquée.
      • L’Ostéomalacie et PPR. Le traitement par corticoïdes demande une prévention de l‘aggravation de l’ostéoporose du sujet âgé, qui passe toujours par un bilan vitamino-calcique  pré thérapeutique, révélateur du déficit en vitamine D. Dans la forme pelvienne de la PPR, l’ostéomalacie est un diagnostic d’élimination, « la démarche en canard » pouvant être décrite dans les tendino- bursites bilatérale des moyens fessiers
      • Les Dysthyroïdies, en particulier l’hypothyroidie avec faiblesse musculaire (signe du tabouret).  Comme dans l’ostéomalacie il s’agit d’un diagnostic différentiel possible mais parfois associé, l’hypothyroïdie étant fréquente chez le sujet âgé, spontanée ou iatrogénique .
      • Les Cancers. Il ne faut pas confondre les syndromes douloureux liés aux métastases osseuses et à la fatigue ; les syndromes paranéoplasiques – régressant lors du traitement du cancer et les formes associées concomitantes ou survenant alors que le cancer semble guéri, traitées avec succès qu’avec les corticoïdes. Néanmoins il ne semble pas exister une incidence augmentée de cancers dans une population de PPR et un bilan à la recherche « d’un primitif » est justifié qu’en présence de signe d’orientation

 E- Comment se traite aujourd’hui une PPR ?

  1. Le traitement cortisonique  est la référence. Il reste à définir sa dose initiale, les modalités de diminution, la durée optimale. En France c’est la prednisone qui est le plus souvent prescrite à une dose de l’ordre de 0,20mg/ Kg (alors que c’est1mg/Kg  pour la maladie de Horton ). En effet cette dose induit la rémission en une période moyenne d’1 semaine dans presque 80% des patients. La sévérité de la maladie n'est pas un facteur prédictif de résistance au traitement. Ces données suggèrent que la dose initiale de prednisone devrait être ajustée selon le poids du patient afin de réduire au maximum les rechutes à court terme. Le syndrome inflammatoire est normalisé à 4 semaines. La diminution des doses se fait ensuite de manière régulière tous les 3 à 4 semaines   
  2. Il est conseillé une prévention de l’ostéoporose par médicament anti ostéoporotique, Calcium Vitamine D chez les plus de 65 ans, sans mesure de Densité osseuse systématique. Pour les patients plus jeunes : Calcium, vitamine D et traitement préventif si T score à -1,5 ou plus bas de densité osseuse  
  3. Le traitement d’un diabète, d’une hypertension artérielle, d’une manque de potassium(hypokaliémie) cortico induits souligne l’importance de   la surveillance clinique et biologique régulière des patients  
  4. Les autres traitements en cas d’échec du traitement classique cortisonique.
    • Le Méthotrexate Il pourrait être proposé comme traitement d’épargne cortisonique, en cas de corticodépendance et comme traitement alternatif en cas de corticorésistance. En effet le Méthotrexate a fait l’objet de plusieurs études dont les résultats sont variables, de l’absence d’intérêt à un bénéfice net en terme de doses de corticoïdes et de diminution de rechutes.
    • Les Anti TNF alpha Ils Semblent avoir un intérêt dans les études en ouvert…mais sont décevants dans une étude prospective

F- J’ai une PPR, que dois je faire :

A quel rythme dois-je consulter mon médecin ?

  • Au début tous les mois pour la surveillance de l’efficacité du traitement de sa tolérance par un examen clinique et des bilans biologiques sanguins.
  • Le régime sans sel, la prise régulière du traitement et des traitements concomitants sont une garantie d’efficacité et d’un risque minimum d’effet secondaires
  • Les rechutes sont fréquentes (1/3 des cas), survenant dans les 3 mois après l’arrêt du traitement. Aucun effet clair de l’âge  ne ressort, pas plus pour la corticodépendance. Il faudra donc reconsulter en cas de la réapparition des signes cliniques''

Association de patients